Toxicité des Ethers de Glycol

Lundi 3 janvier 2005, une ancienne ouvrière d’une petite entreprise de sérigraphie des Pyrénées-Atlantiques où elle manipulait des solvants, a demandé la reconnaissance d’un préjudice en assignant respectivement son ancien employeur et les fabricants de solvants devant le tribunal de grande instance de Paris : c’est la première fois que la justice est saisie d’une affaire de contamination environnementale impliquant les éthers de glycol.
En effet Claire Naud a accouché, en 1992, d’une enfant présentant une encéphalopathie d’origine indéterminée, entraînant un retard mental et psychomoteur très important . Le bébé atteint de graves malformations a eu d’importantes lésions cérébrales, fait des crises d’épilepsie et souffre d’anorexie.
Actuellement, la petite fille, âgée de 12 ans, ne parle, ni ne marche. Après des années d’incertitude sur l’origine du handicap de sa fille, Mme Naud est aujourd’hui convaincue qu’il provient de son exposition, pendant sa grossesse, aux éthers de glycol contenus dans les solvants qu’elle manipulait.

Substances chimiques présentes dans de nombreux produits de la vie courante (peinture, vernis, produits d’entretien ou de cosmétiques), les éthers de glycol sont partagés en deux catégories, la série E, éminemment toxique, notamment par inhalation et contact avec la peau, et la série P, jugée inoffensive.
Les éthers de la série E, aujourd’hui interdits, ont notamment été reconnus comme reprotoxiques, c’est-à-dire qu’ils induisent un risque pour la reproduction de l’homme.

Ce sont ces éthers dérivés d’éthylène de glycol, qu’utilisait, jusqu’en 1995, la société Sérigraphie Aquitaine Flocage (SAF), où était employée Claire Naud. Ils entraient ainsi dans la composition de l’encre d’imprimerie qu’elle manipulait et dans les solvants qu’elle utilisait notamment pour se nettoyer les mains à plusieurs reprises dans la journée.

Dès 1979, une équipe japonaise a ainsi montré les effets délétères sur le développement des embryons de plusieurs espèces animales après exposition des mères aux éthers de glycol.

Ces résultats ont été corroborés par plusieurs autres travaux, publiés dans les années 1980, qui considèrent comme fondée l’extrapolation à l’homme des données de l’expérimentation animale.
Les produits les plus toxiques sont toujours autorisés en milieu professionnel.
Les éthers de glycol ont été lancés dans les années 1930 par la firme Unions Carbide.

Leur toxicité aiguë étant très faible, on les a donc considérés comme peu toxiques. Cette toxicité supposée faible, alliée à la propriété remarquable d’être solubles à la fois dans l’eau et dans la graisse, a conduit à les utiliser en grandes quantités comme solvants : dans les peintures à l’eau et les peintures acryliques, dans les vernis, dans les produits de nettoyage, tels que les lave-vitres, ou encore comme fluides de coupe en métallurgie. Les éthers de glycol se sont ainsi développés massivement, jusqu’à représenter une production mondiale d’environ 900.000 tonnes en 1997.

Les doutes sur l’inocuité de certains d’entre eux ont commencé à émerger en 1971 quand une étude a reconnu qu’ils étaient tératogènes, c’est-àdire qu’ils pouvaient produire des malformations chez l’embryon.

En 1992, la Suède a interdit l’utilisation des quatre éthers de glycol les plus toxiques, mais elle, n’a pas été suivie par d’autres pays. En 1993, l’Union Européenne les classait comme toxiques sans pour autant les interdire, demandant seulement leur étiquetage en milieu professionnel et la limitation à 0,5% du volume dans les produits grand public.

Les pays européens ont reculé devant l’interdiction d’un produit vigoureusement défendu par l’industrie chimique.
En, France, ces pressions sont apparues nettement en 1994 quand un colloque international, sur le sujet a failli être empêché tandis que son coorganisateur français, André Cicolella, était licencié par son organisme, l’Institut National de Recherche en Sécurité (INRS). Il a fallu attendre novembre 2000 pour que la commission de sécurité des consommateurs rende un avis d’interdiction de ces substances, et novembre 2002 pour que le Conseil Supérieur de l’Hygiène Publique confirme qu’à une dose de 0,5% les produits présentent encore un grand risque pour les consommateurs.

En Polynésie, la situation reste floue, tant sur l’utilisation passée ou actuelle de ces produits, que sur le nombre de salariés exposés à un risque de maladie professionnelle. La transparence n’est pas encore de mise actuellement, donc il convient de rester vigilant.

par Multiforse