1. DÉFINITION :
C’est une clause permettant à un employeur de se prémunir contre la concurrence que pourrait lui faire un salarié à l’expiration du contrat de travail (rupture pour démission ou licenciement).
• elle a pour objet d’interdire l’exercice d’une activité professionnelle concurrentielle.
Cette clause ne se présume pas, même si elle est envisagée par la convention collective et doit donc être inscrite dans le contrat de travail.
Par ailleurs, lors de la séparation des parties, il n’est pas interdit, à peine de nullité, de contracter la naissance d’une clause de cette nature.
2. CONDITIONS DE VALIDITÉ ET DE FORME :
La clause de non-concurrence implique deux impératifs :
• la nécessité de protéger les intérêts légitimes de l’entreprise,
• et ne pas empêcher le salarié d’exercer une activité conforme à son expérience et à sa formation.
1. l’intérêt de l’entreprise
Ne seront validées que les clauses des contrats de salariés qui, par leurs fonctions personnelles, étaient véritablement en situation de faire concurrence à l’employeur. Tel n’est pas le cas, par exemple, des employés subalternes n’ayant aucun accès à des informations commerciales spécifiques ou confidentielles.
En outre, pour justifier une clause de non-concurrence, il faut qu’il existe un risque réel pour l’entreprise : perte de l’exclusivité d’un savoir-faire ou détournement de clientèle.
2. l’absence d’entrave au droit du travail
Il faut impérativement que les effets de l’interdiction soient limités :
• dans le temps,
• dans l’espace,
• dans la nature de l’activité et/ou la branche professionnelle ;
Ces 3 critères ne sont pas cumulatifs et la clause doit laisser la possibilité au salarié d’exercer une activité.
3. le formalisme
Pour être valable, la clause de non-concurrence ne pourra jamais être moins favorable au salarié que ne le prévoit la convention collective.
• dans le cas contraire, la clause de non-concurrence ne sera pas nulle, mais alors les dispositions plus favorables de la convention collective s’appliqueront.
Les obligations mises à la charge du salarié par une convention collective lui sont opposables, même en l’absence de toute mention dans le contrat de travail, à la seule condition que le salarié ait été informé de l’existence de la convention collective et mis en demeure d’en prendre connaissance.
3. JURISPRUDENCE SUR LA LICÉITÉ DE LA CLAUSE :
Si la convention collective prévoit des clauses de non-concurrence pour certaines catégories de salariés seulement, cela implique qu’elle les prohibe pour tous les salariés des catégories qu’elle ne vise pas.
Est nulle la clause dont la contrepartie pécuniaire est insignifiante en comparaison de celle prévue par la convention collective.
4. DISTINCTION AVEC D’AUTRES CLAUSES SIMILAIRES :
La clause de non-concurrence ne doit pas être confondue avec celles de :
• obligation de loyauté…qui résulte de l’article 1134 du code civil (« les contrats doivent être exécutés de bonne foi ») et s’applique pendant la durée du contrat de travail, alors que la clause de non-concurrence ne s’applique qu’à partir de la fin de celui-ci.
• exclusivité… qui a pour objet d’interdire au salarié de travailler pour un autre employeur pendant la durée de son contrat de travail.
• respect de clientèle ou de non-démarchage…qui interdisent à l’ex salarié de démarcher la clientèle de son ancien employeur, tout en le laissant libre de le concurrencer.
• secret et de discrétion professionnelle…qui ne font que rappeler une obligation qui existe à la charge de tout salarié, même en l’absence de toute clause.
• engagement à vie…strictement prohibée par l’article L. 121-4 du code du travail, elle est donc nulle ; mais seul le salarié peut invoquer cette nullité.
• dédit formation ou clause qui impose au salarié, ayant reçu une formation dépassant l’obligation légale d’un employeur :
o de rester au service de celui-ci pendant une certaine durée
o ou de rembourser, en cas de départ anticipé, les frais réels (justifiés et plafonnés) de formation.
5. VIOLATION DE LA CLAUSE :
Le salarié qui ne respecte pas l’obligation de non-concurrence mise à sa charge n’a plus doit à l’indemnité compensatrice (lorsqu’il en est prévu une au contrat). Il peut même être condamné à rembourser les sommes déjà perçues à ce titre.
Si une clause, prévoyant la violation par le salarié de son obligation, entraînait le versement d’une pénalité à l’employeur, celle-ci devient immédiatement exigible, mais peut être réduite par le juge s’il l’estime disproportionnée.
Si la violation a entraîné un préjudice commercial à l’ancien employeur, celui-ci pourra obtenir :
• des dommages-intérêts réparant ce préjudice
• la cessation de l’activité concurrentielle
et, si le salarié est entré au service d’un nouvel employeur, celui-ci sera tenu d’exécuter le jugement en le licenciant
Enfin, si le nouvel employeur connaissait l’existence de la clause de non-concurrence et a embauché le salarié en pleine connaissance de cause, il pourra être condamné solidairement à verser des dommages-intérêts.
6. JURISPRUDENCES :
1. JURISPRUDENCE N° 1 =>
M. Laurenceau a été engagé, le 8 juillet 1991, par la société Surgelés Dubessay-Martinet et exerçait les fonctions de chauffeur-vendeur-livreur-encaisseur ; que le contrat comportait une clause de non-concurrence d’une durée de deux ans sur un secteur géographique déterminé par laquelle M. Laurenceau s’interdisait ‘d’effectuer directement ou indirectement, pour son compte ou pour celui d’un tiers, des opérations de ventes de produits similaires à ceux commercialisés par la société’ ; que M. Laurenceau a démissionné le 20 juin 1995 et est entré au service de la société Distri développement ; que la société Surgelés Dubessay-Martinet est intervenue auprès du nouvel employeur, qui a licencié M. Laurenceau ; que celui-ci a saisi la juridiction prud’homale pour obtenir l’annulation de la clause de non-concurrence et le paiement de sommes à titre de dommages-intérêts ; Attendu que la société Surgelés Dubessay-Martinet fait grief à l’arrêt attaqué de l’avoir condamné à payer à M. Laurenceau des sommes à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, qu’ayant constaté que la société Surgelés Dubessay-Martinet et la société Distri développement vendent chacune des produits traiteur, la première dans le cadre de produits surgelés et la seconde dans le cadre de produits frais, et que ces deux séries de produits sont susceptibles de s’adresser à une même clientèle, ne déduit pas les conséquences légales de ses propres constatations et manque de base légale au regard de l’article 1382 du Code civil l’arrêt attaqué qui retient que les deux sociétés ne sont pas concurrentes au motif inopérant que les deux séries de produits précités ont des destinations différentes, de conservation longue ou de consommation immédiate, pour en déduire que M. Laurenceau, ancien salarié de la première et lié par une clause de non-concurrence, pouvait, sans méconnaître cette clause de non-concurrence, engager immédiatement ses services auprès de la seconde ;
Mais attendu que la cour d’appel ayant relevé que compte tenu de la nature de l’activité de M. Laurenceau et de l’absence de qualification particulière à son exercice, la clause de non-concurrence litigieuse n’était pas nécessaire à la protection des intérêts légitimes de la société Surgelés Dubessay-Martinet et que ceux-ci n’avaient pas été atteints par l’activité du salarié pour son nouvel employeur, a pu décider, abstraction faite du motif critiqué par le moyen qui est surabondant, que l’employeur avait causé un préjudice au salarié ; que le moyen n’est pas fondé ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi CASS. SOC. 20/01/99 arrêt n° 391 pourvoi n° 96-45.305 Surgelés Dubessay-Martinet c/ M. Laurenceau
2. QUESTIONS & JURISPRUDENCE N° 2 =>
a) Peut-on insérer une clause de non-concurrence dans un contrat de qualification ?
b) Viole-t’on cette clause en se faisant embaucher en contrat d’apprentissage ?
OUI, selon la Cour de cassation : exemple dans la coiffure
Employée en contrat de qualification avec une clause de non-concurrence de deux ans et limitée dans l’espace à 2 km, une salariée ne respecte pas sa clause et se fait embaucher en contrat d’apprentissage. Une cour d’appel avait eut l’occasion de statuer dans un cas similaire que » la clause de non-concurrence est incompatible avec la fonction particulière du contrat de qualification destiné à préparer l’insertion professionnelle du jeune travailleur après sa formation dans la mesure ou elle le prive de la possibilité de trouver un emploi en rapport avec la formation reçue » (Lyon 27/06/97 arrêt n°95-06241). Mais une autre s’est prononcée en sens inverse, alors que les arguments de la salariée étaient : l’employeur ne peut, par une clause de non-concurrence, limiter le droit d’un salarié en contrat de qualification à poursuivre ou terminer sa formation ; or, la cour de cassation vient de rejeter le pourvoi de la salariée en ces termes : » Mais attendu que la cour d’appel qui d’une part, a constaté que la clause était limitée dans le temps et dans l’espace et qu’elle n’interdisait pas à la salariée d’exercer une activité conforme à sa qualification professionnelle et, d’autre part, fait ressortir que la clause était nécessaire à la protection des intérêts légitimes de l’employeur, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est pas fondé
3. JURISPRUDENCE N° 3 =>
Une clause dont la durée est supérieure à celle prévue par la CCN n’est pas nulle, mais doit être appliquée dans les limites de temps imposées par cette convention. Cass. Soc. 02/12/98 pourvoi n° 96-44.769
4. JURISPRUDENCE N° 4 =>
Lorsqu’il n’existe pas de clientèle attachée, la clause de non-concurrence interdisant au salarié de mettre en œuvre ses qualités personnelles de négociateur est excessive. Cass. Soc. 16/12/98 pourvoi n° 96-42.538
5. JURISPRUDENCE N° 5 =>
La clause ne doit pas avoir pour effet d’empêcher le salarié d’exercer une activité conforme à ses connaissances et sa formation. Cass. Soc. 10/01/85 pourvoi n° 82-43.497 & Cass. Soc. 20/01/99 pourvoi n° 96-45.669
6. JURISPRUDENCE N° 6 =>
Est nulle une clause limitée dans le temps, mais ayant pour effet d’empêcher le salarié d’exercer une activité professionnelle même en dehors de sa spécialité. Cass. Soc. 11/05/94 pourvoi n° 90-40.312, Cass. Soc. 27/06/84 pourvoi n° 81-42.932 & Cass. Soc. 11/10/84 pourvoi n° 83-10.767
7. JURISPRUDENCE N° 7 =>
La clause qui interdit au salarié toute activité identique à celle occupée auparavant n’est nulle que s’il est établi que la spécialisation de celui-ci est telle qu’il ne peut exercer dans une autre branche une activité conforme à ses compétences. Cass. Soc. 26/02/85 pourvoi n° 82-40.512
8. JURISPRUDENCE N° 8 =>
Les tribunaux apprécient la durée de la clause en fonction des qualifications du salarié. Cass. Soc. 07/05/91 pourvoi n° 87-43.470
9. JURISPRUDENCE N° 9 =>
Pour être valable il n’est pas nécessaire que la clause soit limitée à la fois dans le temps et dans l’espace. Cass. Soc. 29/05/91 pourvoi n° 89-45.462
10. JURISPRUDENCE N° 10 =>
Une clause de non-concurrence limitée dans l’espace est licite, même lorsqu’elle n’est pas limitée dans le temps, dans la mesure où elle n’interdit pas au salarié d’exercer une activité conforme à son expérience professionnelle. Cass. Soc. 07/06/95 pourvoi n° 93-46.776
11. JURISPRUDENCE N° 11 =>
Le silence de la convention collective quant à la clause de non-concurrence n’interdit pas aux parties d’y avoir recours. Cass. Soc. 11/12/90 pourvoi n° 89-10.020
12. JURISPRUDENCE N° 12 =>
Lorsque l’obligation de non-concurrence est prévue par la convention collective celle-ci s’applique même dans le silence des parties. Cass. Soc. 09/07/76 pourvoi n° 75-40.662 (nota bene : à la condition tout de même que le salarié ait eu connaissance de l’existence de la convention collective !)
13. JURISPRUDENCE N° 13 =>
Lorsque la clause de non-concurrence est instituée à titre obligatoire par la convention collective, les obligations ainsi mises à la charge du salarié lui sont opposables, en l’absence de mention dans le contrat de travail, dès lors qu’il a été informé de l’existence d’une convention collective applicable et mis en mesure d’en prendre connaissance. Cass. Soc. 22/05/95 n° 93-41.719
14. JURISPRUDENCE N° 14 =>
Lorsque la convention collective réglemente la clause de non-concurrence les parties ne peuvent y déroger dans un sens moins favorable. Cass. Soc. 07/05/81 pourvoi n° 78-14.821
15. . JURISPRUDENCE N° 15 =>
Lorsque la convention collective subordonne la validité de la clause au versement d’une indemnité, l’absence de celle-ci entraîne la nullité de celle-là. Cass. Soc. 12/04/95 pourvoi n° 91-44.014
16. . JURISPRUDENCE N° 16 =>
Clause de non-concurrence, non versement de l’indemnité compensatrice par l’employeur : manquement de l’employeur à son obligation contractuelle, salarié délié de son obligation de non-concurrence. Cass. Soc. 19/07/88 n° 85-43.719 Cass. Soc. 26/05/88 n° 85-45.074
17. . JURISPRUDENCE N° 17 =>
Si la convention collective prévoit que le salarié, lorsqu’il envisage de quitter son emploi, peut demander à son employeur par écrit s’il a l’intention de faire jouer cette clause, il en résulte que l’employeur à aussi la possibilité d’y renoncer. Cass. Soc. 07/03/2000 pourvoi n° 98-40.659 n° 1256 P
18. . JURISPRUDENCE N° 18 =>
Transformation d’un CDD en CDI, sort de la clause de non-concurrence figurant dans le CDD : maintien. Cass. Soc. 3/02/93 n° 88-41.181
19. . JURISPRUDENCE N° 19 =>
Rupture du contrat de travail au cours de la période d’essai ; inapplicabilité clause de non-concurrence : brièveté du passage du salarié dans l’entreprise, connaissance de l’entreprise insuffisante. Cass. Soc. 22/06/94 n° 91-41.773
20. . JURISPRUDENCE N° 20 =>
Une Cour d’appel qui relève que le contrat de travail ne prévoyait aucune possibilité de renonciation à la clause de non-concurrence et que cette clause était stipulée aussi en faveur de l’employeur que du salarié en raison de sa contrepartie pécuniaire décide à bon droit que l’employeur ne pouvait pas renoncer unilatéralement à l’exécution de la clause. Cass. Soc. 19/06/91 n° 86-45.504
21. . JURISPRUDENCE N° 21 =>
Clause de non-concurrence assortie d’une contrepartie financière, impossibilité pour le salarié de reprendre une activité salariée, départ en retraite du salarié : élément indifférent, paiement de la contrepartie pécuniaire. Cass. Soc. 7/07/88 n° 85-44.180
22. . JURISPRUDENCE N° 22 =>
Clause de non-concurrence assortie d’une contrepartie financière, nullité de la clause non soulevée par le salarié : paiement obligatoire de l’indemnité de non-concurrence, nullité instaurée au seul profit du salarié. Cass. Soc. 10/01/91 n° 87-43.478
23. . JURISPRUDENCE N° 23 =>
Clause de non-concurrence, violation par le salarié, trouble manifestement illicite : compétence du juge des référés, injonction de cesser l’activité concurrente. Cass. Soc. 7/05/91 n° 87-43.470
24. . JURISPRUDENCE N° 24 =>
Le 31 mai 2006, la Cour de cassation a rendu une décision sur la validité des clauses de non-concurrence, venant compléter la jurisprudence qui s’est construite sur cette question au cours de ces dernières années. Le développement des contentieux portant sur la contestation de la validité des clauses de non-concurrence doit amener tout employeur à apporter le plus grand soin à la rédaction de ce type de clause. Pour être valable, l’interdiction de non-concurrence doit concilier la protection de l’intérêt légitime de l’employeur (protection de son savoir faire, etc.) et la liberté fondamentale de travail de tout salarié. L’article L.120-2 du Code du travail prévoit ainsi que : « nul ne peut apporter au droit des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient justifiées par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnées au but recherché ».
C’est dans ce cadre que, par un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation (Cass. Soc. n°00-45.135, Bull. civ. IV, n°239) était venue ajouter une condition supplémentaire pour apprécier la validité d’une clause de non-concurrence, considérant qu' »une clause de non-concurrence n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, qu’elle tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives ».