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La pomme, une vraie peste, le saumon, un tricheur la laitue, un nid à résidus… Au rythme des scandales alimentaires, les enquêtes se multiplient. Diffusée mardi 15 mars sur Arte, celle de la réalisatrice Marie-Monique Robin est un pavé dans l’assiette. Mais, pas de panique,on peut aussi se nourrir sans s’angoisser. Infos et détox.
Faut-il inscrire « manger tue » sur certains aliments comme sur les paquets de cigarettes ? Jamais notre assiette n’a nourri autant de doutes, de peurs et d’angoisses qu’aujourd’hui. Même les produits dits sains, tels que les fruits, les légumes ou les poissons n’échappent plus à la suspicion : 80% des Français se disent inquiets de la présence de pesticides dans les fruits, les légumes et les céréales, et de polluants comme le mercure ou les métaux lourds dans la viande et le poisson (source Ifop). Après le best-seller de Jonathan Safran Foer (Faut-il manger les animaux ?,éd. de l’Olivier), une nouvelle enquête magistrale et implacable, sous la forme d’un livre et d’un documentaire, va vous glacer l’estomac.Trois ans après Le Monde selon Monsanto, la réalisatrice Marie-Monique Robin dissèque dans Notre poison quotidien (1)le cocktail de produits toxiques que contiennent nos assiettes. « Nous sommes confrontés à trois formes de poison, explique-t-elle. Les pesticides, les additifs alimentaires et le plastique des emballages. »Soit environ 100 000 molécules de synthèse commercialisées dans le monde depuis cinquante ans, principalement dans l’alimentation.
Au bout de trois ans d’enquête en Amérique du Nord, en Europe et en Asie,sa conclusion terrifie : « Les études épidémiologiques ne tiennent compte ni de l’effet cocktail de ces molécules (leur mélange dans le corps et dans l’environnement), ni des effets à faibles doses de certaines d’entre elles qui se révèlent toxiques à long terme. » Selon Marie-Monique Robin, cette « chimie d’apprenti sorcier » serait une des pistes de l’origine de l’épidémie de cancers, de maladies neurologiques(Alzheimer, Parkinson…) et des dysfonctionnements de la reproduction que l’on constate aujourd’hui dans les pays industrialisés. Les enfants sont les plus exposés. « En Allemagne, on a trouvé des métaux lourds et du PCB dans le lait de femmes qui allaitent leurs bébés ! »
L’association Générations Futures, qui a fait analyser en France le menu type d’un enfant par quatre laboratoires indépendants, partage cette inquiétude :
« Chaque jour, un enfant de 10 ans avale 128 résidus chimiques différents »,
affirme son porte-parole François Veillerette. Selon Marie-Monique Robin, on empoisonne les corps, mais aussi les esprits : « Les grandes agences de réglementation censées nous protéger, qui calculent des doses journalières acceptables de ces poisons, se basent sur les études fournies par les géants de l’industrie agroalimentaire. Or, ils trichent et ils mentent ! » Lucide, elle se veut pourtant résolument optimiste : « Les consommateurs prennent de plus en plus conscience de leur pouvoir. Si nous sommes plus nombreux à éviter les plats transformés et la malbouffe, qui accumulent les produits toxiques, et à privilégier une alimentation bio, nous pouvons changer le système. Manger devient un acte politique. » La preuve avec six produits de consommation courante décryptés par des experts.
(1) Sur Arte le 15 mars à 20 h 40. Et en librairie chez Arte Éditions/La Découverte le 24 mars.
Gros pépins pour la pomme
Le poison : matraquée chimiquement, la pomme est-elle empoisonnée ? Les associations écolos ont le fruit défendu dans le collimateur. « Du champ du paysan à l’assiette du consommateur, une pomme cultivée en vergers intensifs reçoit en moyenne 40 pesticides différents »,explique François Veillerette, porte-parole de l’association Générations Futures. En France, premier utilisateur de pesticides en Europe, elle n’est pas le seul fruit incriminé : la répression des fraudes (DGCCRF) a trouvé des résidus de pesticides dépassant les limites autorisées dans le raisin, les fraises, les mandarines, les poires et les oranges. « On s’aperçoit que les arboriculteurs qui utilisent ces pesticides ont plus de cancers (lymphomes, leucémies et cancers du cerveau) que le reste de la population, poursuit François Veillerette. Et cinq fois plus de risques de développer des maladies neuro-dégénératives (Parkinson et Alzheimer). » Du coup, la Mutualité sociale agricole a accordé le statut de maladie professionnelle à une trentaine d’agriculteurs souffrants. « Il n’y a aucun lien avéré avec nos produits, rétorque Jean-Charles Bocquet, directeur général de l’Union des industries de la protection des plantes, le syndicat des fabricants de pesticides. Seulement des suspicions. »
L’antidote : «Ne vous fiez pas aux pommes du marché, affirme Marie-Monique Robin. Et il ne sert à rien de les laver et de les peler. Je conseille d’éviter d’en consommer, ou de les acheter bio. » D’autant qu’on trouve de plus en plus de fruits bio, même dans les grandes enseignes (Monoprix, Auchan, Carrefour…). « Les pesticides de synthèse sont remplacés par du cuivre, des extraits de plante et de la poudre de roche », explique François Veillerette.
Légumes : l’overdose
Le poison : haro sur la salade ! Selon la DGCCRF, la laitue décroche la palme du légume le plus contaminé : 61% des échantillons analysés contiennent des résidus de pesticides qui dépassent les limites autorisées. Persil, pommes de terre, haricots verts et céleris branches occupent aussi les premières places du classement. « N’oublions pas les additifs alimentaires, émulsifiants et exhausteurs de goût présents dans les plats cuisinés à base de légumes. Le glutamate, qu’on trouve dans les chips, est aussi dangereux et controversé que l’aspartame. »
L’antidote : « C’est le bio, comme pour les fruits, martèle Marie-Monique Robin. Surtout pour les tout-petits : donnez-leur exclusivement des purées bio ! » Autre solution, parfois plus économique que les réseaux bio : s’inscrire dans une Association pour le maintien d’une agriculture paysanne (Amap). Chaque semaine, on reçoit son panier de légumes de saison, souvent bio, directement du producteur. Née il y a dix ans en France, cette formule a séduit plus 90 000 «amapiens». Compter entre 10 et 15 euros le panier.
Le saumon en eaux troubles
Le poison : attention, faux ami ! Le saumon, surtout d’élevage, serait truffé de POP, comprenez des polluants organiques persistants (dioxine, arsenic, mercure, plomb, cadmium…) hautement cancérigènes. Tout comme les autres poissons gras (thon rouge, espadon, flétan et siki). « Plus les poissons sont hauts dans la chaîne alimentaire, plus ils sont susceptibles d’être contaminés. Parce qu’ils concentrent les polluants dans leur graisse », affirme le Dr David Khayat, chef du service cancérologie à la Pitié- Salpêtrière et auteur du livre Le Vrai Régime anticancer (éd. Odile Jacob). « On a mesuré le taux de métaux lourds trouvés dans du poisson pêché dans quatre ports français. On a trouvé parfois plus de cadmium ou de plomb dans un morceau de poisson que dans une poignée de terre d’un gisement minier. »
L’antidote : privilégiez plutôt les poissons maigres (cabillaud, lieu, merlan, limande ou sole), ainsi que les petits poissons (sardine, maquereau ou hareng) moins pollués et bons pour la santé. Un bémol : « Je conseille aux femmes enceintes de supprimer le poisson de leur alimentation », affirme Marie-Monique Robin.
Manger de la viande deux fois par jour est un modèle obsolète
Viandes sur le gril
Le poison : autrefois symbole d’ascension sociale,aujourd’hui entachée par des scandales à répétition (vache folle,dioxine dans le poulet et le porc…), la viande n’a plus la cote. «Manger de la viande deux fois par jour est un modèle obsolète, souligne Marie-Monique Robin. La malbouffe, ce n’est pas seulement les colorants et les produits chimiques mais également un apport excessif de protéines animales, de graisses et de sucres. » Après le barbecue, même la cuisine au wok est suspectée d’être cancérigène.
L’antidote : remplacerla viande par du tofu (bio) et des steaks de soja devient tendance. «Je ne suis pas devenue végétarienne, nuance Marie-Monique Robin, maisj’ai réduit ma consommation de viande. C’est bénéfique pour la santé, l’environnement et le porte-monnaie. » Pour manger bio et pas cher, optez pour d’autres sources de protéines peu coûteuses comme les oeufs, les lentilles, les haricots blancs ou les pois chiches.
Aspartame : sucrettes amères ?
Le poison : présent dans 6000 produits de consommation courante (boissons light, chewing-gums, yaourts, etc.), cet édulcorant artificiel ne cesse d’alimenter la polémique. Deux récentes études l’ont accusé de favoriser certains cancers, des accidents cardio-vasculaires et des accouchements prématurés. « Scientifiques corrompus, études biaisées, conflits d’intérêt entre industriels et politiques… L’exemple de l’aspartame montre comment l’industrie chimique a manipulé les agences de réglementation pour commercialiser un produit dangereux », s’indigne Marie-Monique Robin.
L’antidote : l’Anses (l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation) a placé l’aspartame sous haute surveillance et se prononcera fin mars sur son usage. En attendant, pour Marie-Monique Robin, aucun doute : « Appliquons le principe de précaution : mieux vaut éviter les édulcorants. »
Surtout ne pas chauffer les plastiques
Pas chic, le plastique
Le poison : on a toujours cru le plastique biologiquement inerte. « Des centaines d’études montrent que c’est faux», explique Marie-Monique Robin. Molécules utilisées pour assouplir lesplastiques, les phtalates agissent à faibles doses dans le corps endéréglant le système hormonal. Ces perturbateurs endocriniens seraientà l’origine des problèmes de fertilité qui explosent aujourd’hui. «Prenez l’exemple du bisphénol A. Lorsqu’on chauffe un biberon en plastique au micro-ondes, cette molécule migre dans le lait et dans le corps des bébés. »
L’antidote : utiliser des biberons en verre. À défaut, surtout ne pas chauffer les plastiques. Et informer les populations les plus vulnérables : les femmes enceintes etles jeunes enfants. Interdit dans les biberons en France depuis juin2010, le bisphénol A reste encore à bannir des bouteilles, petits potspour bébé, boîtes de conserve, petit électroménager et autresustensiles de cuisine…
6 conseils pour bien nourrir son enfant
Les trois-quarts des produits consommés dans l’enfance le seront à l’âge adulte. Spécialiste de la consommation responsable, Élisabeth Laville (1), qui milite pour le passage au bio des cantines scolaires, nous explique comment donner de bonnes habitudes dès le plus jeune âge.
Habituer son enfant très tôt à manger des purées de légumes. Si vous n’avez pas le temps de les préparer, achetez des petits pots bio.
Lui donner une alimentation bio. En quelques jours, les pesticides disparaîtront de son corps.
Lui apprendre à cuisiner On peut très tôt donner à un enfant uncouteau et des courgettes. Parce qu’il aura préparé ce qu’il mange, ilaura un autre rapport à la nourriture. Comme le chef anglais JamieOliver qui mène campagne contre l’obésité aux États-Unis, apprenez-luidix recettes qui vont lui sauver la vie.
Lui raconter l’histoire de ce qu’il mange. Lui expliquer que certains poissons sont pêchés en raclant les fonds et en tuant les dauphins et les tortues. Mais qu’il existe d’autres modes de pêche qui respectent la nature. Les produits qui ont du sens sont souvent ceux qui ont le plus de valeurs nutritionnelles.
Lui apprendre à décrypter les pubs et les techniques de marketing utilisées pour lui faire désirer tel ou tel produit (par exemple, les personnages de BD, les cadeaux, etc.).
Apprendre à son ado à cuisiner du bon fast-food, avec des produits sains et de qualité. La junk food n’est pas une fatalité.
(2) Fondatrice d’Utopies, agence-conseil en développement durable, elle vient de remettre un rapport sur ce sujet à la ministre de l’Écologie, Nathalie Kosciusko-Morizet.
Plus d’infos sur : noscantinespourlaplanete.com
et mescoursespourlaplanete.com.